"L'instant d'avant, j'avais été en face d'un mur de glace opaque. Un pas de plus, et mon œil contemplait un espace infini d'aiguilles et de glaciers, de pics et de parois, de montagnes et de vallées, de lacs et de plaines. Le monde entier semblait être à mes pieds. Un instant plus tard, j'étais presque terrifié par ce que notre situation avait d'effrayant. La face que nous avions montée était raide, mais c'était une pente douce, comparée à celle qui se détachait du point où je me trouvais. Quelques mètres de glace scintillante à nos pieds, puis plus rien entre nous et les pentes vertes de Grindelwald, 2'700 mètres plus bas. Je n'ai pas honte d'avouer que, lorsque ce paysage sublime et étonnant m'apparut, je sentis une émotion profonde et presque irrésistible, une émotion qui, si j'en juge par les exclamations de surprise étouffée, suivies de longs silences haletants qui échappaient à chacun de nous comme il traversait la brèche, était ressentie par les autres comme par moi. Plus tard, Balmat me répéta souvent que ça avait été le moment le plus impressionnant et le plus boulerversant qu'il avait connu au cours de toute sa longue carrière alpine. Nous nous sentions comme en présence de Celui qui a dressé ce fantastique pinacle, perché, semblait-il, à mi-chemin entre la terre et le ciel, directement sous la voûte majestueuse de Son firmament d'un bleu profond." Wandering among the High Alps, ch. XIV (1854) |